Vêpres, simulacres et tourments en Tamaneh

Il faisait nuit, une nuit sombre et sans étoiles. Contrairement à leur coutumière habitude, les boisés de Tamaneh étaient habités d’un silence complet. Les grillons et les merles cultivant un mutisme surnaturel, de rares elfes étaient toujours réunis en discrètes prières autours d’un humble bivouac. La terre du sol, enrhumée par de frêles vepres-simulacres-et-tourments-en-tamanehrosées nocturnes, semblait se mouvoir à l’eurythmique cadence du feu. Une ambiance mystique planait, laissant croire aux adorateurs crépusculaires qu’une bénédiction œuvrait au travers des arbres protecteurs de leur cité.

Paupières scellées, la petite confrérie elfique ne pût alors distinguer les premiers faisceaux étiolés qui émanèrent des entrailles du sol. Vaporeuses et teintées de pâles lueurs blondes, de minces buées formèrent des nébuleuses éparses, tenaient lieu tout juste à l’orée de la ville. Formant peu à peu des nuées giratoires, le phénomène embauma progressivement les lieux d’une brume dorée et flavescente. Lorsqu’enfin l’un des dévots ouvrit les yeux, il fut surprit de constater que s’était massé un lumineux voile gazeux aux dorures chrysocales non loin des pentes délimitant la forêt du village. Tirant ses confrères de leur torpeur transcendantale, le premier témoin de l’évènement scrutait déjà avec grande attention la nocturne luminescence. Les curieux s’approchèrent alors à pas lents et respectueux du miraculeux mirage, présumant assister à l’apparition d’un ange.

Alors qu’ils atteignirent une mince distance du prodige, l’un d’eux cessa la marche, son visage se crispant en un masque d’effroi. Balbutiant avec grande peine sa phobie en des murmures tremblotants. Il avait vu juste, il s’agissait bien là de feux follets aux teintes de jaunes et d’or, les mêmes que mentionnent les légendes de leurs ancêtres du temps de l’épidémie de fièvre jaune. Reculant frénétiquement, le groupe de prières abandonna l’extase pour la panique, craignant une recrudescence de ce mal ayant jadis décimé leur patrie. Soudain, la terre croula sous le nuageux topaze, s’éventrant à en former un profond abîme duquel une marée d’épitaphes et de cadavres se déversa. Squelettes et macchabées au derme bleu gonflé par les fluides de la mort roulèrent sur les berges du trou béant, comme si la terre crachait les morts et leur sépulcre qu’elle n’avait su digérer.

«La Fosse de barbaques! La légende disait vrai!» s’écria un vieil elfe du groupe, figé de frayeur devant l’horrifiant spectacle sévissant face à ses yeux chargés de larmes. L’unité d’elfes fonça au village, faisant résonner les cloches et braillant l’alarme aux quatre vents. Tirant de leur sommeil les magistrats de la bourgade, un aréopage fut convoqué à la hâte au cénacle de sorte qu’y soit décrétée la conduite à tenir. Tandis que les viscères des bois restituaient toujours plus de corps et d’ossements, la volonté du consul ordonna l’évacuation immédiate des territoires tamanes vers les sentiers sacrés de la forêt, ceux menant vers les tréfonds de la futaie pour atteindre la légendaire citée Deshautpins. Dans la cohue de l’instant, les elfes se séparèrent et prirent deux directions opposées, l’une des marches suivant les recommandations des monarques, l’autre, s’enfonçant vers les dédales menant vers Solmyr.

De la fosse aux morts se dégageaient dès lors de fastes exhalaisons et giclaient des volées de sang coagulé, créant un marécage putride et pestilentiel. Gagnant les murailles de la ville, le charognard flot de sang noir eût tôt fait d’encercler le hameau elfique et de souiller son tapis d’aiguille de pin. Vaseux et œdématié des fluides de millier de dépouilles, le sol de Tamaneh ne se voyait toutefois plus en ses heures, foulé de ses habitants. Le premier groupe, mené de ses tétrarques et gouverneurs, s’enfonça dans les affres de la nuit, désireux de trouver refuge dans les saintes terres de la citée Deshautpins. La cavale du peuple était d’un chaos complet, tous cheminant chacun pour soi dans les méandres de ces sentiers ténébreux. anima_panel_by_tonysandoval-d4t9hdyNombreux optèrent pour des avenues différentes, prétextant connaître des raccourcis vers ces lieux pourtant si énigmatiques à localiser. Le peloton se sépara en trois divisions d’elfes paniqués à l’idée d’être contaminés ou maudits. Grâce aux caractéristiques prunelles que l’on connait aux elfes dans la nuit, des éclaireurs parvinrent à retracer l’accès vers le maquis tant recherché, invitant de vives voix dans l’écho des forêts les tamanes à converger leur ascension en un commun rendez-vous. Rescapés pour la plupart, ces elfes furent accueillis et soignés et forment un important essaim de réfugiés dans la mythique idylle qu’est la cité Deshautpins.

Le second groupe pour sa part, obstiné à faire marche vers Solmyr pour y quérir un refuge, se sépara bêtement, ces elfes-là aussi régis par la loi du sauve-qui-peut. De ce nombre, une dizaine trouva trépas entre les imposantes mains d’un troll des forêts, ce dernier les ayant traqués avec grande aise en raison de leur fuite cacophonique. Les autres furent plus sages, cessant leur course folle et se rassemblant non loin de la rivière pour y terminer la nuit, se relayant la garde contre d’éventuelles menaces. Réveillés par un déluge venant du ciel, les elfes fugitifs prirent un temps pour se recueillir à l’abri des torrents célestes au lendemain de cette sinistre tragédie. Tout portait à croire que la fièvre jaune était de retour, que Tamaneh était maudite. Qu’avait-il bien pu provoquer pareille excrétion de cadavres? Qui ou quoi avait bien pu éveiller les malédictions d’antan?

Lire la suite

Algarade et bruxisme en Iodar

Il faisait nuit, une nuit sombre et sans étoiles. Auréolé d’un flegme et d’un silence étrangers à cette contrée, les rues de la Citée des Caravanes semblaient désertes, abandonnées. Formes effrayantes et louches silhouettes rasaient les murs des quartiers, trahis par les lueurs de belvédères vacillants. Creuse et étouffée, une complainte sembla s’entonner sourdement, comme si le cœur de l’immense métropole se frappait d’une agonie sépulcrale.

De leur lucarne, seuls les insomniaques attentifs purent constater que dans l’enceinte d’Iodar, des torches au bouquet bleuâtre s’enflammèrent tour à tour, reflétant sur l’ardoise des chaumières et commerces l’ombre de clandestins encapuchonnés de noir. Nimbés de leur flambeau céruléen, les préfets de la nuit s’étendaient en formations écliptiques dessinant une auguste cible dans les bourgs, se déployant dans l’immensité de l’horizon de la ville. Leur berceuse se fît requiem, leurs décibels prenant en intensité et en mélancolie. Alors qu’à vol d’oiseau l’on pût voir toute la capitale scintiller de ces cercles azurés, le chant funèbre des cultistes s’emporta en de vives toquades, tirant les vieillards et enfants de leur lit. La brillance des luminaires des fanatiques, maintenant torsadés d’émeraudes et de pourpre, augmenta d’éclat au point où l’on crut un instant qu’une sphère enveloppa Iodar en entier. Il faisait nuit, une nuit sombre désormais éclairée de centaines d’étoiles dans les ruelles désertes.

Le cérémonial atteint un paroxysme alors que les lamentations du rituel firent ciller les clochers des temples, l’illumination des cercles brilla a en faire rendre aveugle puis la noirceur et le silence tombèrent simultanément. De longues secondes d’angoisse pesèrent alors sur Iodar, soumise à un rituel délétère en cette nuit obscure. Puis, les hurlements d’innombrables loups lacérèrent le silence. La symphonie lugubre de ces aboiements dura d’interminables instants, faisant trémuler de peur tous les citoyens de la ville envahie de bêtes sanguinaires. Des loups noirs, d’un nombre à couper le souffle, fonçaient en tous les sens dans la métropole, Algarade et bruxisme en Iodardéfonçant les barricades et pillant les commerces. L’hystérie se répandit comme une traînée de poudre, engloutissant Iodar en des cris d’agonie et les grognements des immenses chacals. Une nuit d’épouvante, dans laquelle bon nombre de citoyens périrent aux mâchoires claquantes des loups. S’entassant dans les temples et les forteresses de la ville, les résidents de la Citée des Caravanes se virent encerclés de toutes parts de ces canidés aux yeux jaunes injectés de sang, les contraignant à fortifier leurs asiles pour survivre à cette nuit d’horreur.

Assiégeant la ville de tous ses fronts, les loups à la taille démesurée et à la vitesse sidérante avaient su prendre parfait contrôle des accès et pavés des quartiers, dominant les forces militaires en puissance et en stratège. Seuls quelques kierans, des guerriers Alavelahs aux fines lames, parvinrent à faire sombrer dans la mort quelques loups, les traquant par le biais des toits de la ville et en fondant sur eux en des maelstroms de coups de sabre. L’écho des craquements de caravanes chargées de vivres résonnait dans les avenues de la place marchande, les loups déchiquetant les ressources des peuples pour leur couper toute ration d’espoir. Du haut des tours de la maison de la famille Evloch furent enfin lancées des myriades de globes de feu, accordant ainsi aux rangs des assiégés une riposte digne à faire tomber les monstres. C’est des enchantements de l’un des sorciers de cette même famille que fut publiée la vérité sur les assaillants, le sorcier tentant de désenchanter les créatures difformes qui semaient l’effroi et la mort. Son astuce réussie et leva le voile sur la véritable identité des bêtes : des druides. Voilà qui était véritablement l’ennemi. Les cultistes de la nuit précédente s’étant tous mutés en féroces carnassiers de par leur funeste rituel, tout portait à croire qu’Iodar subissait en ce temps les assauts d’un mystérieux groupe druidique.

Repoussant les assaillants par les flammes et les arcanes des érudits, le peuple parvint à reconquérir sa ville bien que toutefois, les loups n’eurent été rabroués non pas plus loin qu’aux portes de la ville. Tournant en de vastes rondes, les canidés aboyaient violemment, encerclant la cité jalousement. Iodar, inondée maintenant de pluies diluviennes en un matin de deuil, se voyait fermée du monde extérieur, prisonnière de ses propres murs. Les loups conjurant toutes entrées et sorties de caravanes, tous surent qu’il ne suffirait que peu de jours pour que la faim ne l’emporte sur la Citée des Caravanes. Des renforts vinrent des dunes de sables et de Jerth, formant un front assez étanche pour disperser les rôdeurs des alentours d’Iodar. Toutefois, depuis cette nuit, le nombre de caravane quittant et pénétrant l’enceinte du Carrefour wolfcommercial du continent diminua grandement, puisque demeura la crainte envahissante d’une nouvelle attaque.

Gardes et sentinelles épiant nuits et jours l’horizon de la ville, Iodar est maintenant proie d’une paranoïa incessante. Le loup qu’avait transsubstantié à nouveau en druide le sorcier de la famille Evloch fut étudié, sur lequel on découvrit nombre de breloques et reliques s’attribuant au culte de Néolth le Nécromant.

Les postulats et suppositions fusèrent, comment se faisait-il qu’un groupe de druides rendait culte au défunt nécromancien, et qui plus est, prit en proie Iodar en cette nuit cauchemardesque? Néolth était-il de retour? Tentait-on de lui faire une offrande de sang pour étendre l’emprise de son ombre? Les interrogations se multipliaient et les réponses fuyaient en ces jours de déluges pluviaux suivant cette nuit d’aberrations. Certains devaient bien savoir, oui, savoir ce qui avait bien pu pousser ces cultistes à tenter de dévaster Iodar en une nuit?

Lire la suite

Poème: Les Vergers d’Émeraudes

forest_by_iidanmrak-d5e0l23

Au cœur d’un illuminé boisé,

Reclus en silence dans une clairière,

Un jeune garçon, la tête aux vergers,

Cueille l’émeraude et quitte sa chair

Vogue son esprit dans un azur vanille,

Traverse une pluie de trèfles au vent turquoise.

Ses yeux rêvent des plus jolies filles,

Il s’amourache de leurs chastes idées grivoises.

Danse sur les cotons de nuages de perles,

Vrilles et plongeons couronnés d’ivresse.

L’horizon l’éblouit, sa caresse l’ensorcelle.

Son cou jubile de ne plus être en laisse

Puis le turquoise s’estompe, les trèfles retombent,

L’enfant redescend et quitte les jolies jeunes filles.

Allège, il pose pied dans un autre monde

Tout aussi euphorique que ses dernières vrilles.

De brillantes lueurs vertes le guide vers un pavé

Serti de milliers de ces pierres au jade miroitant.

Les arbres à l’écorce précieuse sont tous chargés

De fruits d’émeraudes au nectar verdoyant.

Une brise sucrée lui insuffle des fourmillements

Et le jeune garçon devient un jeune elfe.

Il hurle ses poésies aux vergers et au vent,

Et de ses doigts touche l’Idéal, devient un nef.

Toute la nuit durant, la musique l’emporte

En une danse nuptiale avec le ciel.

Fidèle époux qui sait comment faire en sorte

Que dure la passion de ce doux rituel.

L’elfe joue alors une dernière fois de sa flûte de pan,

Et salut les vergers en retournant à la verte pluie.

Son retour par les cieux est alors des plus somnolents

Puisqu’il rêve déjà des gemmes et des jeunes et jolies.

La turquoise mistral le borde dans ses draps,

Puis le quitte en une douce bise.

L’elfe reprend alors la forme qu’il se doit,

Puis rêve de ses nouvelles promises

La tête pleine de trèfles et de rires,

Il caresse déjà l’idée de recueillir l’émeraude.

Dhyluiel Gamacha

Lire la suite

Les Nuits Incendiaires d’Asmaÿl

nuit-incendiaires-asmaylPROLOGUE

 –

 Alors que les taillades de la Grande Guerre Noire n’étaient plus que de frêles remembrances à la mémoire des peuples elfiques d’Asmaÿl, que le deuil des hommes des Hautes-Terres était inhumé, que les poètes et rhapsodes ornementaient d’extase l’âme des résidents de la capitale, Asmaÿl, reprise d’aplomb, scintillait victorieusement depuis les derniers jours de l’armistice. Belle et fière, Asmaÿl était devenue, grâce à son monarque, Heldeÿdriil le Cadastré, une contrée hautement estimée en Merved où régnait éminence et quiétude.

Par sa fougue et sa fermeté, le souverain avait su redresser son peuple des méandres d’après-guerre et rendre à Asmaÿl sa prestigieuse somptuosité. Dès son élection au trône, Heldeÿdriil séduit les nations de son royaume par des promesses de réfections des joyaux architecturaux ayant été ébréchés par les sévices de la guerre, les persuadant même à ériger d’augustes monuments à la mémoire des héros perdus ainsi qu’une basilique en l’honneur de leur triomphe, celle-ci nommée «Bahruel de Fertiti; la Beauté des Nôtres». ElyrasBien qu’Asmaÿl ait depuis toujours été une contrée réputée pour la disparité de ses peuples, soit un amalgame d’elfes sylvains à l’humble frugalité et d’hauts-elfes idéologiques aux aspirations de noblesse, la généralité de ceux-ci prirent part aux esquisses du Cadastré et ce, malgré les doléances et les paiements y étant associés.

bahruel de fertiti                                Bahruel de Fertiti ; la Beauté des Nôtres

Jezolph, la ville première du pays et l’hôte du castel du monarque était devenu un pur bijou architectural, c’est là que fut érigée Bahruel de Fertiti ainsi que maintes galeries aux fresques raffinées référant aux prouesses guerrières des soldats de l’Armée des Cinq Trèfles et des Maquisards de la Fruste Sylve. La citée de la Couronne resplendissait de richesse, par le palais de Fandwïn et ses fortifications imprenables, Jezolph attirait la jalousie des souverains les plus nantis. L’aristocratique bourgade de Valdorivalice pour sa part, celle-ci campée aux limites d’Asmaÿl et d’O’pass, avait eût le vénérable privilège d’abritée les Bibliothèques du Mémorial, vastes et prodigieuses constructions renfermant toutes les reliques et vestiges de l’histoire des Elfes, aux précieux et ancestraux textes remontant même jusqu’aux Préambules du Monde. cadastreCes musées historiques avaient été, grâce au roi d’Asmaÿl, rénovées, agrandies et sanctifiés de l’importation de tous les livres d’Asmaÿl, devenant ainsi un carrefour univoque de Savoir. Regorgeant de myriades d’épopées, de grimoires débordant de connaissances diverses, de contes, légendes, poèmes et manuscrits célèbres, les Bibliothèques du Mémorial représentaient certes en tout Merved, la plus grande université jamais connue. Scribes, sorciers et sages y venaient de par tous les continents pour y étudier les écrits les plus mystiques existant, bien qu’Heldeÿdriil en refusait l’accès à tous ceux n’appartenant pas à sa race de sang.

Heldeÿdriil le Cadastré

La localité côtière de Vineöl’felloh, maintenant instituée d’un nouveau port à la modernité envieuse, de vaisseaux et de nefs grandioses, pouvait elle aussi par l’entremise de son souverain bénéficier d’un visage neuf et magnifique, désormais pavée de statues des anciens orateurs ayant parsemé d’héroïsme le passé du peuple d’Asmaÿl. Baphèlanthe des forêts pour sa part, avait reçu les matériaux et l’aide des hauts-elfes pour restaurer ses passerelles et maisons, conservant son style rustique et naturel, la rendant si belle que de nombreux pèlerins y séjournèrent pour adorer les déités de la nature et pour y observer sa quantité d’oiseaux exotiques. Seule Phënsel, cette petite pinède indomptable aux édifications archaïques avait refusé les dorures et richesses du Cadastré, préférant dans toute son humilité conserver la virginité de sa futaie et sa facture sauvage.

CHAPITRE I

En ces temps, les peuplades d’Asmaÿl pouvaient non seulement se réjouir de ses nouvelles parures mais également de l’effervescence des siens. En effet, Asmaÿl se fit une nouvelle beauté sur la scène de Merved par des noms tels qu’Emnomiliel le Visionnaire, l’architecte notamment rendu célèbre par Bahruel de Fertiti, Leüdin’golv le Virtuose, l’artiste lyrique enjolivant tous les esprits de ses proses passionnées ainsi que Tahraï’tzal L’Éclairé, sage érudit des Bibliothèques du Mémorial.Toutefois, l’importante notoriété tissée par ses sommités vint un jour à perdre de l’attention des elfes du pays, puisqu’un nouveau nom surgit dans les commérages publiques; Nephinabel Vamaalwë. Les rumeurs clamaient que ce jeune elfe de la pinède de Phënsel possédait des dons multiples, dont le plus célèbre serait celui de la prophétie.

Tahraï’tzal L’Éclairé

Nombreux furent ceux à se rendre en Phënsel afin de rencontrer ce jeune moine introverti, ceci amenant certaines discordes puisque la quiétude des boisés de cette contrée se perdait en faveur de la popularité de son jeune prodige. Nephinabel aurait semble-t-il prédit avec justesse et exactitude la nomination de Dozabel l’Opalin à la tête de Valdorivalice, l’émergence d’âmes-en-peine venant des Hautes-Terres de Darion et rôdant aux bordures de Baphèlanthe ainsi que le début des hostilités entre les familles naines Poignedefer et Chargeroc, les détenteurs des mines d’Olorïn et Eldorïn des Monts des Nains, toutes deux voisines d’Asmaÿl. Finalement, ce serait également par le biais de ses dons prophétiques que fut retrouvé le jeune Midoh, l’enfant perdu d’Opass.

Le renom de Vamaalwë se posa sur toutes les lèvres, sa popularité grandit a un point tel où il se vit obligé par les siens de se rendre à l’orée de Baphèlanthe à tous les jours afin d’y rencontrer ses adeptes, puisque Phënsel ne désirait pas devenir un centre d’attraction attirant les curieux. C’est donc à contrecœur que le jeune prophète se rendait à tous les jours sous le vieux saule séparant Phensël de Baphèlanthe pour y subir l’assaut des foules. Le phénomène prenant de l’ampleur, le bruit se rendit vite aux oreilles du Cadastré et ce dernier pris plaisir à convoquer Nephinabel en sa riche demeure afin qu’il y partage ses dons prophétiques. Une audience grandiose fut alors organisée par le dauphin d’Asmaÿl, y réunissant les aristocrates et elfes aux statuts supérieurs de tout le pays, tous fébriles d’entendre ce que le mystérieux Nephinabel annoncerait. La vaste salle des tribunaux du palais, comble des principaux influents du pays, accueilli alors le jeune elfe à la réputation grandiose. Ce dernier se présenta sur les scintillants parquets de Fandwïn vêtu d’habits rudimentaires; encapuchonné d’une verte pèlerine, vêtu de braies grises et chaussé de mocassins troués. Son accoutrement ayant été vu comme arrogant, voilà que Nephinabel faisait parler de lui avant même d’avoir ouvert les lèvres. Heldeÿdriil fit taire les bourdonnements de la foule et questionna son invité insolite sur les dons que les rumeurs lui conféraient. Humble et tête baissée, Vamaalwë offrit des réponses concises ne laissant place à aucune prétention. Le Cadastré s’amusa un temps à questionner l’elfe qui de toute évidence semblait habité d’une grande timidité. Vint alors l’inévitable demande du Monarque :

« Révèle-nous l’une de tes prophéties, dévoile-nous ce qui attend mon adorable royaume! »

Nephinabel demeura coi, sans mots. La foule se mit rapidement à murmurer puis à rire. Heldeÿdriil, offusqué, se leva et ordonna à Nephinabel qu’il obéisse à son monarque. Le silence revenu, le souverain reprit :

« Parle jeune sauvage, dis à ton roi ce qui attend son précieux pays! »

Le regard rivé au sol, Nephinabel ne broncha point. Une fois encore, l’audience s’emporta en mesquines railleries. Le Cadastré était furieux, son visage cramoisi trahissait sa rage et alors qu’il allait chasser l’elfe et son insolence, Nephinabel parla. Le dynaste ordonna une fois de plus le silence et puis pour une troisième fois ordonna :

« Parle! Révèle-moi le destin d’Asmaÿl! »

Nephinabel leva la tête, plongea son regard dans l’arrogance de son roi, puis, d’une voix calme déclara :

« Avant que ne vienne l’automne, ton pays sera incendié. »

 

CHAPITRE II

Cloîtré dans les catacombes de Fandwïn pendant trois semaines, Nephinabel se voyait offrir un traitement disgracieux et immoral de la part des gardes de son souverain. Considéré comme traître à sa patrie, on l’accusa de blasphème et de conspiration, l’enfermant en une geôle froide et miteuse. De nombreux adeptes du jeune moine, courroucés par la conduite de leur monarque envers le populaire prophète, se rendaient aux portes de Fandwïn à tous les matins afin de protester et de demander la libération de Vamaalwë. Toutefois rien ne semblait atteindre l’indéfectible hargne du Cadastré, celui-ci déclarant que cet elfe était un simple agitateur et qu’il représentait un grand danger pour Asmaÿl, puisqu’il avait tenté de soumettre le pays de sombres malédictions. Le temps passa, les protestants se firent de moins en moins nombreux et Neph, dans sa cellule, faisait du silence le maître des lieux, se laissant injurier et traiter telle une bête vulgaire par les orgueilleux gardiens des bas-fonds du palais.

Nephinabel Vamaalwë

L’équinoxe d’automne pointant bientôt son nez, le grondement des rumeurs reprit dans l’écho des places publiques, Asmaÿl craignant que ne tombe l’épée de Damoclès prédite par Vamaalwë. Heldeÿdriil convoqua une assemblée générale devant les conciles de son pays, proclamant que le jeune prophète était revenu sur ses dires, avouant qu’il avait voulu semer la peur sous l’influence de la colère et qu’aucune tragédie n’aurait lieu d’ici l’automne. Du fait même, le Cadastré fit l’annonce de grandes festivités prévues pour l’équinoxe, de sorte de réconcilier ses peuplades avec la quiétude imperturbable de son pays. Bien que le discours et les boniments du roi parvinrent à rassuré nombre de ses elfes, l’ombre du doute demeurait dans l’esprit de nombreux sceptiques et l’on voyait en ces temps nombreux résidents s’équiper de larges seaux d’eau et de provisions en cas de feu.

Des convois de caravanes débarquèrent l’avant-veille de l’équinoxe. Chargées d’amuseurs publics, d’artistes de tout genre, de bêtes de cirque et d’acrobates réputés, les caravanes s’installèrent en Valdorivalice et campèrent tentes et chapiteaux à la place publique de Bahruel de Fertiti. La fébrilité grandissait avec grande fulgurance, l’animosité se partageant entre l’esprit des festivités et la prophétie soit disant réfutée de Nephinabel. Des scènes et places de spectacles furent montées dans chacune des bourgades excepté Phensël, la pinède refusant une fois de plus de s’indigner à la fièvre dépensière du Cadastré et souhaitant s’éviter une nouvelle augmentation des taxes. Plusieurs prétendait toutefois que les réels motifs du refus des sylvains de Phensël se ralliait davantage en guise de support à leur jeune moine emprisonné injustement. Nephinabel placé sous haute surveillance en ces jours entra, sembla-t-il, en une profonde méditation transcendantale dans son cachot glauque alors que commençaient tout juste à courir les enfants et leur ruban dans les rues du pays en fête. Le premier jour des célébrations fut lancé par une glorieuse chorale de barde, s’en suivit d’une démonstration d’acrobates de Ruzad aux prouesses à couper le souffle. Jongleurs, trapézistes, charmeurs de serpents, mimes et fantaisistes amusaient les foules sous une éclatante journée ensoleillée. Nulle trace de dragon ou de sécheresse susceptible de soumettre Asmaÿl en proie aux flammes promises par Vamaalwë.

vineolfeloLe soir de la kermesse venu, les familles se rassemblèrent sur les quais du port de Vineöl’felloh pour y assister à une démonstration d’artificiers et de magiciens dans les cieux surplombants les flots. Des cascades de jets de lumières, de fumigènes et d’étincelles multicolores envahirent et enjolivèrent les cœurs du public conquis avant de ne s’éteindre dans les eaux sombres d’automne. Lorsque sous les acclamations unanimes prit fin les envolées pyrotechniques, le Cadastré apparut du haut du mât du plus grand vaisseau de la flotte royale, vêtu de somptueux habits et nanti d’un fier sourire. Il savoura son discours, remerciant les artistes et citoyens pour cette grande journée de fête et ne rata pas l’occasion de se moquer une fois encore du jeune prophète, déclarant que la nuit maintenant venue, sa prophétie était tombé à l’eau. Ses railleries attirant les rires des foules, le peuple était aussi vivement soulagés de constater qu’en effet, l’automne arrivait dans les prochaines minutes et que nul incendie ne sévissait. Alors que l’assistance s’esclaffait de plus bel, une détonation sourde se retentit dans la direction de Jezolph, semant du fait même un silence mortel dans la foule. Le Cadastré scruta l’horizon, ne détectant rien. Une fois encore, il sema le rire parmi ses fidèles, se moquant de la frousse que venait de leur causer un probable écho de forgeron. C’est à cet instant que son malin rictus se sublima, laissant son visage de glace à la vue des ombres rousses qui se mirent à dessiner l’horizon. La foule se rendant compte du malaise, il n’en fallut pas plus pour que ne se propage l’hystérie en un rien de temps.

CHAPITRE III

Bahruel de Fertiti se consumait peu à peu, une caravane chargée des tonneaux d’huile à lampe des cracheurs de feu invités par le roi lui-même ayant mystérieusement explosée sous un chapiteau, voilà que bandroles et drapeaux ornant la basilique se firent l’amorce des flames. Le grenier de la basilique, grassement garnis de réserves de vivres des paysans prirent feu en un rien de temps et les augustes murs de pierres craquaient déjà sous l’insistance des flammes ardentes. Éclatèrent les vitraux du monument de prestige du monarque, jetant des traînés de braises dans les arbres avoisinant, ceux-ci répandant bien vite en tout Jezolph les crépitements de feux dévastateurs. La milice du Cadastré s’empressa en formation improvisées à voyager les citernes désuètes de la cité portuaire. Tentant tant bien que mal à maîtriser les flammes, voilà que les habitants durent mettre la main à la pâte pour supporter le défaillant système d’incendie de la pourtant tant convoitée contré d’ Heldeÿdriil. Du haut de son mât, le Cadastré figea, réalisant l’ampleur de son impudence envers la prophétie de celui qu’il avait si sauvagement fait prisonnier. Un éclaireur sortit le monarque de sa torpeur, lui annonçant que peu de temps suivant la conflagration sur Bahruel, un second choc avait retentit en Valdorivalice et cette fois, c’était les inestimables Bibliothèques du Mémorial qui se faisaient bûcher. Semble-t-il que des gobelins furent aperçus non loin de cette nouvelle scène de vive flambée, ces derniers de toute apparence se faisant flibustiers et terroristes en cette nuit de fête elfique.

À peine le dauphin avait-il avalé l’annonce de son serviteur qu’un violent assaut percuta le navire qui lui faisait office de promontoire. Les ombres d’ogres montés par des gobelins chargés d’explosifs se dessinèrent sur les quais de Vineöl’felloh, leur petites voix incisives se mêlant aux grognements râpeux des ogres. Craquant des allumettes, les gobelins firent crépiter des mèches sortant de flasques, lançant leurs explosifs sur les navires et les campements marins. Semant le chaos sur les quais et coulant le Cadastré dans une mer de feux, les gobelins et leur montures semèrent la mort dans la localité dans un fumet aux pluies incendiaires.

Baphélanthe ne fut point épargnés, composant tant bien que mal avec les assauts des pyromanes assoiffés de sang elfique. L’Armée des Cinq Trèfles et les Maquisards de la Fruste Sylve mobilisé en des fronts disparates pris en souricière, voilà que la riposte d’Asmaÿl parvenait bien mal à tenir sous les assauts et les flammes que créaient les peaux vertes. Le castel de Fandwïn était martelé de nuées de rochers d’ogres et de tonneaux embrasés de gobelins, craquant de tous ses fronts, tremblant de même ses fondements. La nuit entière, Asmaÿl fut ravagée et incendiée par ses assaillants, seule Phensël parvenait grâce à ses archers à limiter les dégâts et à tenir le coup. Les heures passèrent mais le soleil ne semblait point se lever, les rayons de celui-ci masqué en réalité par les fumées denses et les cendres qui couvraient les cieux.goblin_vs_gnomes_entry_by_edcid-d89t72f

Les ténèbres se faisant souverains des cieux, les flammes se jouaient les marquises des villes. L’aide ne venait pas, O’pass devait s’affairer à lutter contre les menaces qu’annonçaient les cieux cendrés d’Asmaÿl. Gobelins et ogres semaient la mort par les flammes et les flèches, par les rochers et la poudre à canon. Les Bibliothèques du Mémorial enfumée jusqu’au sommet de ses tourelles, des millénaires d’histoires s’envolaient en poussière sous les kyrielles de complaintes des érudits elfiques. De nouveaux assaillants surgirent des canalisations de la ville de Jezolph, disséminant non seulement les rangs des bataillons des Cinq Trèfles, mais condamnant du fait même de précieux accès aux sources d’eau de la capitale, empêchant ainsi l’extinction de nombreux foyers aux rousses déflagrations. Marins, archers, guerriers et sorciers tentant de leur mieux de repousser les forces gobelinoïdes, seulement le nombre et les crémations astucieuses de ces derniers ne faisaient que croître. L’entier pays d’Asmaÿl était plongé dans les noirceurs d’une nuit sans fin, où seuls les brasiers dansants offraient de douloureuses lueurs à ses sinistrés de résidents.

CHAPITRE IV

L’aide arriva, enfin. De l’île de la Licorne, une flotte de grands navires à voiles débarqua et de ses nacelles porta un secours précieux afin de repousser la menace vers les Hautes-Terres de Darion. Vidant leur carquois avec force et frénésie, les elfes de la terre voisine dilatèrent le cœur des Maquisards et du Cinq Trèfle d’une ardeur nouvelle. Des luttes sempiternelles se chevauchaient, alors qu’un bataillon ennemi était couché au sol, un autre se relevait ou de nouvelles détonations jaillissaient des égouts des cités.

Les bronzes et les marbres se bigarraient d’effusions de sang, les statues des patriarches tombaient, Asmaÿl croulait. Alors que l’asphyxie se faisant la sœur des agonisants, le vent tourna et dégagea peu à peu la voûte appartenant jusqu’alors aux ogres et gobelins. Redoublant d’ardeur, les fantassins de la Licorne et des rangs d’Heldeÿdrill parvinrent à disperser les formations et remporter la guerre. Les nuits cramoisies d’Asmaÿl prirent fin dans la fuite des gobelins, ceux-ci ayant en ces jours parvenus à semer la plus grande déconfiture du pays elfique. Les bûchers ne furent maîtriser qu’après de longs jours sombres, l’extinction de la pinède de Phensël la dévastée couronnant la fin des Nuits Incendiaires. Au premier jour suivant la fin de l’attaque, on eut crût qu’Asmaÿl n’était que de cendres tant ses pavés et ruines étaient gris. Le castel de Fandwïn perforé en plein cœur, nul ne put retracer ses damoiselles et gentilshommes, ni d’ailleurs les détenus de ses catacombes. De ce nombre, Nephinabel Vamaalwë avait également disparu.

ÉPILOGUE

Les familles furent décimées, les savoirs incendiés, l’arrogance rabrouée. Comme si les dieux avaient décidé de punirent les prétentions d’Asmaÿl en les foudroyant dès leurs premiers feu en plein cœur de la Beauté des Nôtres. En ces temps-là, avant que ne soit venu l’automne, les brillants trésors architecturaux du Cadastré furent dévorer par l’enfer. En ces temps-là, le prophète Nephinabel Vamaalwë de la petite pinède de Phensël avait parlé, mais il fut enchaîné et jeté en geôle. En ces temps-là, on fêtait, on jonglait, on buvait, on chantait…on brûlait. Oui, en ces temps-là en Asmaÿl, alors que les taillades de la Grande Guerre Noire n’étaient plus que de frêles remembrances à la mémoire des peuples elfiques, le deuil des leurs s’aviva en de vives remembrances dans le cœur de la race des elfes. Les poètes et rhapsodes n’ornementaient plus d’extase l’âme des résidents de la capitale elfique. Asmaÿl, ruinée par l’artillerie gobeline, flétrissait misérablement depuis les premiers jours de l’équinoxe. N’ayant plus rien de cette contrée belle et fière qu’elle fût, Asmaÿl était devenue, grâce à son monarque, Heldeÿdriil le Cadastré, une contrée hautement prise en pitié en Merved où régnait doléance et décrépitude.

En ces temps-là, nul ne fut prophète en son pays.

Lire la suite

Lhrinshabelle et les Amants de Givre

Le Mont Lhrinshabelle : Morne Duaurien situé aux frontières de Risnell, la citée gnome. Reconnu pour ses belvédères antiques offrant un panorama somptueux des Mers de Glaces et de Duaure, le Mont Lhrinshabelle est également réputé comme étant la scène où prit lieu la légende des Amants de Givre. Récit relatant d’un jeune couple d’elfes éperdument amoureux qui, par un radieux jour d’hiver, serait aller tracer des anges dans les neiges du Mont Lhrinshabelle et y consumer leur amour. L’intensité de l’instant aurait déclencher une avalanche et enseveli la demoiselle. Son amant, enseveli de chagrin, aurait patienter des lunes sans bouger, y givrant de tout son corps. D’autre version raconte qu’il s’y serait pendu à un saule. Dans toutes les versions de ce conte, on déclare que les spectres des Amants de Givre rôdent le mont Lhrinshabelle et, lorsqu’aperçu par les voyageurs et alpinistes, provoquent chez eux le dévoilement de leurs secrets et leurs peurs, affichant ainsi au grand jour le fond du cœur de chacun, comme l’évoque l’histoire de ces jeunes amants.

the_sorcerer_s_tower_by_grivetart-d6i333v

Les Amants de Givre

Ils y oublièrent l’aurore et les prénoms
Nageant dans la neige y empreignez des anges
Leurs langues au ciel, happant les flocons
Reproduisant les rires de leurs jeunesses blanches

Ils entrelacèrent leurs buées et leurs joues rouges
Cheminant Lhrinshabelle jusqu’à l’épuisement
Leurs corps chauds et leurs ailes qui bougent
Sublimèrent la neige de son ventre croulant

L’avalanche ensevelit la toute belle, il frissonna d’émoi
S’éternisant sur le mont jusqu’à ce que ses cils s’y givrent.
Son amour et ses mains s’ankylosèrent sous l’insistance du froid
Il la rejoint pour naviguer les mers de neiges jusqu’à leurs rives

Ils y oublièrent l’aurore et les prénoms
Nagèrent dans la neige pour y devenir des anges
Yeux au ciel, le cœur en déflagration,
Avant de mourir, il l’enneigea de louanges

Leur angélus y vrombit, marié des sérénades de l’ocarina,
Résonnant sur des parois constellées de lierres.
Au fond du Puits où se fusionnent flammes et froid,
Se mêlent de vaseux printemps à de fastes hivers.

Les parois rutilantes reflètent la verdure,
L’écho de ses prières se fait guttural et rauque.
L’éclat louche des neiges devient obscur,
L’oubliette mirifique croupie et tombe au glauque.

L’abysse aux merveilles, tombeau des amours pendus,
Là où leur féerie s’est enlacée de l’horreur.
Tréfonds, spectres et phobies y sont mises à nues,
L’abysse aux merveilles dite le fond de leur cœur.

Et de leurs baisers exhaustifs et de ses cils givrés
Les neiges séraphiques en gardèrent à jamais la livrée.

Lizandel Encresang

Lire la suite

Chroniques infernales – Première partie

Le Shéol renferme le plan des Abysses, qui eux forment le plan d’origine des démons; êtres tout aussi monstrueux que diversifiés, constitués d’énergies chaotiques et maléfiques. Ce plan s’étend à l’infini et est divisé en un nombre illimité de strates; sorte de plateforme de dimension varié regorgeant d’horreurs irréels et décadentes. Si l’on pouvait regarder l’entièreté de ce plan, on pourrait le décrire comme étant un immense tourbillon en perpétuelle changement; une vision qui rendrait fou
tout être doué de raison. L’origine du Shéol et des Abysses est un sujet des plus controversé parmi les érudits chroniques-infernalesassez déments ou téméraires pour tenter de mettre une logique sur un tel sujet. Ce document portera sur les diverses informations récupérées à propos des Abysses par mes soins.

Hertoss Del’iess

L’origine des Abysses

Plusieurs théories quant à l’origine des Abysses (et des démons) ont été écrites au fil des temps. Voici celles qui sont jusqu’à ce jour les plus connues ou les plus probables….

La théorie de Vasharr

Vasharr est reconnu depuis des éons comme celui qui poussa ses recherches sur les Abysses et les démons plus loin que n’importe qui d’autre. Disparus du plan de Merved depuis plus de quatre cent ans, ses divers ouvrages sur les Abysses et ses thèses de démonologue sont éparpillées à travers les divers plans de l’univers d’Elyras. On dit que les informations enfermées dans ces noirs ouvrages sont si troublantes et détaillées qu’elle en sont dangereuses, puisqu’en détenir plus qu’une petite partie seulement attirerait les démons irrésistiblement, leur appétit désireux d’engloutir le propriétaire de ce savoir. La théorie de Vasharr sur les Abysses se base sur ce principe; les Abysses seraient en réalité qu’une seule et même entité. Avant les Temps des Préambules du Monde, sa théorie stipule qu’il n’y avait que le Chaos. De cette énergie brute aurait d’abord apparus les démons (qui, à cette prétendue époque, n’auraient été ni maléfiques ni bienveillants, car le concept de Bien et de Mal n’aurait point exister encore). Comme le Temps n’aurait à cette époque pas encore étendu son influence, les démons se seraient combattuent sans relâche dans un sempiternel chaos tourbillonnant. Puis, serait alors venue une autre force des confins d’Elyras; celle de la Loi. De cette nouvelle énergie aurait naquit des êtres appelés dieux, en l’occurrence les Primautés de Vanaleh. Ces êtres auraient alors instaurer les influences des diverses manas, telle celle du Temps et commencèrent à modifier l’Originelle Pureté (Le Chaos) en quelque chose d’autre….quelque chose qui leur permettrait d’être plus aptes à survivre et à dominer. C’est ainsi qu’aurait naquit l’univers tel que tout le monde le connais aujourd’hui. En prenant en compte que cette théorie serait entièrement véridique, les dieux ne seraient donc pas responsables de la Création mais bien uniquement ceux qui auraient remanié l’essence de la vie pour qu’elle prenne une forme déterminée.

Ce serait d’ailleurs pourquoi les démons envient et haïssent les dieux et tout ce qu’ils «prétendent» avoir créé. Les dieux auraient corrompus la terre chaotique des démons pour ne leur laisser qu’un endroit ravagé. Ces dieux se seraient ensuite élevés dans les plans supérieurs, souvent en prenant le mérite pour la Création de l’univers d’Elyras et de la vie ou de toutes autres merveilles qu’ils auraient dérobés au Chaos.

Le Chaos et le Mal des Abysses furent tous ce qui aurait subsisté aux démons. C’est pour cette raison que «l’unique entité» d’aujourd’hui connue sous le nom « des Abysses» mènerait une guerre sans fin aux dieux et tous ce qu’ils leurs auraient volés.

Cette théorie, bien qu’elle soit l’une des plus détaillés et logiques, reste toutefois la moins connue parmi le commun des mortels et frôle l’hérésie.

La théorie des clergés

La plupart des clergés connaissent cette théorie et l’utilise pour apprendre à la population la création de l’univers. Au début des temps, les Dieux naquirent du néant pour combler un manque. Chacun représentant un aspect important de ce que deviendra plus tard Merved. Parmi eux, Fhan, dieu des rêves et de la création, décida d’explorer seul les confins de l’univers pendant que ces frères et sœurs réfléchissaient aux moyens pour construire le monde. Il vit alors au loin une lueur noire. En se rapprochant pour observer le phénomène, Fhan constata que la lueur était générée par une petite pierre noire qui semblait flotter dans le néant. Épris de curiosité, le dieu des solaire se serait emparé de la pierre (qui était en réalité une essence de chaos pure). Son contact rendit la divinité complètement folle, se retrouvant enfermé dans ses propres rêves qui devinrent très vite d’affreux cauchemars. Un gouffre infini se serait former à partir des pensées irrationnelles du dieu et de ce trou béant sortit des créatures hideuses aux formes troublantes et décadentes que l’on connait aujourd’hui sous le nom de démons. Fhan devint corrompu et sa folie aurait été rendue telle qu’il aurait décidé de raser tout l’univers, chargeant ainsi Boccob et les siens de cette mission. Alertés par les récents évènements, les autres divinités se seraient alliés pour tenter d’arrêter leur frère avant qu’il ne commette l’irréparable. Grâce à leur union, les dieux parvinrent à enfermer Fhan dans le soleil ou celui-ci continuerait de se ronger de l’intérieur éternellement. Malgré leur nombreuse tentatives, les dieux ne réussirent pas à refermer le gouffre laissé par la sombre divinité, des hordes infinies de démons sortantt inlassablement des Abysses pour détruire tout sur leur passage. Après des millénaires de guerre, les dieux se lassèrent de ces combat interminable et créèrent les anges en leur confia la tâche de repousser les démons afin de leur permettre de s’adonner à la création de Merved et des races qui la peuple aujourd’hui.

Cette théorie est la plus connue des clergés bien qu’il y en est plusieurs versions dépendant de celui qui la raconte. On relate même certain culte vénérant une sombre divinité dont les aspects sont la folie et la destruction et qui aurait été enfermé par ces semblables au le commencement des temps.

La théorie de la Balance

Cette théorie est une variante de celle des clergés et n’inclut pas la corruption d’une divinité mais plutôt que, comme les divinités créèrent le monde à partir de leur bienveillance et de la loi, il fallait en contrepartie son opposé. Les dieux comprirent trop tard les conséquences de leurs actes lorsque l’espace qu’ils avaient générée accidentellement après avoir créé le monde devint les Abysses. D’innombrables démons en surgirent et se fut le début de la guerre entre les dieux et les démons qu’ils avaient eux-mêmes créé.

(Pour une plus grande cohésion des informations donnés dans ce document, je vais me référer au données que Vasharr à put regrouper au cours de ces années de recherches.)

Théorie sur l’origine des démons

Selon Vasharr, les démons seraient des extensions du Chaos et du Mal que les dieux auraient laissé derrière eux avant de s’élever vers les plans supérieurs du Pandémonium. Il existe une quantité relativement infinie de démons et bien qu’ils puissent êtres classés dans une  »catégorie », deux démons de la même espèce peuvent très bien posséder quelques (sinon plusieurs) différences. La seule chose que les démons partagent tous sans exception, c’est leur désir de destruction et leur soif de domination. Tous les démons font leur possible pour propager le chaos dans sa forme la plus sombre autours d’eux. Les démons restent tout de même en grande partie mystérieux sinon incompréhensibles aux yeux de biens des gens. On les répertorier en cinq  »rangs démoniaques ».

I – Les Démons Faibles

II – Les Démons Mineurs

III- Les Démons Intermédiaires

IV – Les Démons Majeurs

V – Les Princes Démons

Les Faibles vivent dans la crainte de subir le courroux de tout autre démon qui leur sont supérieur. Ils n’en reste pas moins maléfiques et imprévisibles. (Mane, Dretch, Quasit, Rutterkin, etc…)

Les Mineurs servent le plus souvent de chair à canon aux côtés des Démons Faibles. Leur existence reste pitoyable, mais au moins ils peuvent se défouler sur les moins forts qu’eux.( Ekolid, Skulvyn, Jovoc, Artaglith, etc…)

Les Démons Intermédiaires jouent le rôle d’élites dans les Abysses. Bien que la plupart servent des démons plus puissants qu’eux, leurs utilités à propager ruine et désespoir là où ils vont les rends plus importants dans les Abysses et leur chance de survie en est accrue. La plupart tente de se frayer un passage vers le plan de Merved pour y causer le plus de ravage possible. (Babau,Gilgamesh, Succube, Vrock, Armanite, Hezrou, Chasme, etc…)

Les Majeurs sont ceux qui dirigent les autres démons inférieurs par la force et la peur, certains ont même la puissance nécessaire pour contrôler un petite partie d’une strate et certains servent de généraux aux armées de Princes Démons. Seuls les mortels les plus puissants et/ou fous osent invoquer de telles créatures en Merved, puisqu’une seul erreur peut être fatale et même si l’invocateur parvenait à contrôler le démon, on peut s’attendre à plus de carnage que nécessaire de sa part. (Nabassu, Molydeuss, Marilith, Balrog, etc…)

Les Princes Démons sont si puissants et si craints qu’ils ont le contrôle absolu d’une vaste étendue (sinon de la totalité) d’une strate. La plupart sont suffisamment intelligents pour prévoir des stratèges sur le long terme et certains sont même vénérés tels des dieux par les mortels de Merved. (Pazuzu, Graz’zt, Araushleeve, Dagon, Orcus, etc…).

Histoires du Shéol et des Abysses

Plusieurs évènements historiques sont venus affecter les Abysses…Voici les plus connus.

La Guerre Sanglante

Lorsque les anges prirent les armes pour stopper l’avancée des démons, une guerre sans fin s’entama entre les deux races. Bien qu’elle ne pouvait pas être exterminée, la horde infinie de démons était désorganisée et leur force brute ne venait que très rarement à bout des armées célestes qui, bien que moins nombreux, possédaient une meilleure structure et contrôle du terrain. Pendant des siècles, cette guerre continua, jusqu’à ce qu’un événement appelé  » Le Premier Pacte  » vint diviser les forces célestes en deux groupes distincts; Les anges des Sept Cieux et les diables des Neuf Enfers.

Les Neuf Enfers étant encore plus près des strates infinies des Abysses, une guerre plus vicieuse débuta alors entre démons et diables. C’est à cette époque que naquirent les plus puissants princes démons. Alimentés par le désir d’engloutir les créations divines, plusieurs tentèrent de contrôler par la force la totalité des autres démons. Bien que leur puissance fut significative, aucun d’eux ne parvint à diriger plus de quelques strates et ce avec de grand efforts. La guerre que se livrait les démons entre eux donna chance aux diables et aux anges de repousser leurs continuels assauts. Encore aujourd’hui, La Guerre Sanglante se poursuit. Si jamais un jour les démons réussissaient à prendre l’avantage et à se déverser dans les autres plans, ce serait alors synonyme de la fin des temps tel que nous les connaissons présentement.

Les démonologues

Le démonologue est un mortel qui a consacré une grande partie de sa vie à l’étude des démons. Il a l’habitude de marchander avec eux, de les affronter au combat et de les manipuler. La plupart sont même capables d’en invoquer. Cette voie est terriblement dangereuse pour un mortel, tant physiquement que mentalement. Les démonologues sont des thaumaturges ayant choisis de se spécialiser dans l’étude des démons et se font ainsi la source d’information privilégiée pour tout individus souhaitant agir de près ou de loin avec les Abysses et ce qui s’y retrouve.

Lire la suite

Les Oltrïeks; taraudeurs des mondes.

Lors des Préambules du Monde, alors que le plan de Merved n’était encore que des flots d’énergies mariant le mana à une matière convulsive qui prenait progressivement forme, le dieu Vanaleh, entité formé de douze vieillards identiques, et source même des courants de mana et de toute magie, en vint à engendrer les premiers dieux, ces primautés, celles-ci provenant des plus puissantes sources de mana, soit Fhan et Lumya, Vanaleh est connu comme le Pèlerin, puisqu’il parcourt les plans et y sème mana et magie. Onze des douze forment une marche constante dans les Vallées de l’Éther et tous les plans, en portant un humble et rustique trône sur lequel siège le douzième, soit la Mana au trône selon les cycles. On dit que la rotation au trône est faite de cycles aux mathématiques très complexes déterminent lequel de leur nombre siège et que ceci permet qu’une parfaite harmonie règne dans les flots de mana
De Fhan et Lumya naquirent bon nombre de divinités et races, et l’un d’entre eux, Kolohi, père des saisons et de la Nature, fut celui donnant naissance à une race responsable de l’entretien et l’équilibre d’Elyras; les mers de mana. Cette race fut nommé les Oltrïeks, ils se virent confié la lourde tâche de veiller à la saine création de Merved en harmonisant les courants des fleuves souterrains de mana, l’irrigation des plans des airs et l’équilibre des éléments. Ce sont donc eux les principaux acteurs dans la création du monde de Merved, ayant fait en sorte que naissent les continents, les mers et les saisons. Parcourant le plan, ils créèrent des accès

TAHRAA
TAHRAA

mystiques de sortes que puissent être optimisé les flots de mana et parvenant même à en faire des portes donnant accès non seulement en d’autres lieux de Merved, mais également à d’autres plans susceptibles de venir harmoniser Merved. Responsables du plan de Turuaak, les Écluses permettant la navigation et la distribution des flots de mana de Vanaleh, ils sont seuls à y avoir accès.

Les oltrïeks édifièrent les «Doulh’Vanaleh», ces bassins mystiques que l’on retrouve dans des grottes secrètes et autour desquels de larges colonnes et obélisques font office de catalyseurs. L’eau de ses bassins est toujours d’une pureté éclatante, celle-ci constamment purifiée par des irrigations de mana. On dit que de s’y émerger entraîne de multiples miracles, tels des guérisons et des visions des créatures des autres plans. Les doulh’vanalehs permettent également un voyage bien précis, lorsqu’est entamé une nage vers le fond du bassin, les voyageurs pénètrent d’autres plans qui eux se situent non pas dans les Vallées de l’Éther mais bien en Merved. Donc des plans dans un plan. Ces plans-là devinrent pour la plupart des lieux de résidences des Oltrïeks, puisque les races des Elfes Premiers étaient maintenant présentes sur le plan de Merved, et bien que l’entente était parfaite avec ces races d’elfes, les Oltrïeks devaient se distancer des mortels. Ces êtres sont si particuliers, dans le sens ou tout leur être est composé de force vitale brute, si puissants qu’il peut être dangereux de les côtoyer trop longtemps, puisque le mana à bien-sûr des aspects bienfaiteurs infinis, mais sa force peut altérer les choses et provoquer des effets néfastes.
Les Oltrïeks créèrent également des accès aux Shoulvaïrah à partir de Merved, des puits pour la plupart, chacun situé dans les différents lieux des continents, permettant un voyage non seulement entre les différents plans mais également entre les pays de Merved en un rien de temps engendrant un système secret de téléportation instantanée avec un autre puits de Shoulvaïrah. Les Shoulvaïrahs sont de plus des monuments ou des artefacts prédestinés à harmoniser les flots de mana, a puiser à la source où même à en contrôler les directions, permettant ainsi d’alimenter à leur guise les différents lieux et faire naître des jungles luxuriantes, des océans infinis, des îles volantes, etc. Ces monuments sont tous uniques et leur existence est, pour la grande majorité, demeurée secrète, puisque de telles créations pourraient vite semer le chaos si elles étaient utilisées par une autre entité qu’un Oltrïek.

Lors de la Guerre de l’Ithrildur, de nombreux Oltrïeks furent abattus et emprisonnés dans des cubes. Toutefois, leur constitution étant si forte, le plan de Merved était pour eux une source infinie d’énergie, nombre d’entre eux quittèrent tout simplement la surface pour se réfugier en des plans de Doulvanalehs, se distançant ainsi des nouvelles races chaotiques et leur permettant de continuer leur travail de constante restauration du plan. Une forêt était abattue, les Oltrïeks irriguait le mana de sorte que de cette terre renaisse la vitalité de la Nature. Neutre-Bon, cette race interagit habituellement de sorte que l’équilibre soit respecté et que la force de la Vie puisse demeurer prospère. Ils ont des connaissances infinies, une sagesse sublime et une puissance ineffable. On dit que leur squelette est fait à même l’ithrildur et que leur conscience est inaltérable, faisant de tout l’univers les créatures sur lesquelles il est plus sûr de se confier. Les plus célèbre d’entre eux, Bephtali et Tahraa, représentent deux des êtres les plus puissants et influant de l’univers.

Lire la suite

La Complainte de la Gargouille

LA GARGOUILLE

~*~

gargouille

COMPLAINTE

I

Ô archanges et âmes du Styx,

Vous qui avez vu de vos yeux

Tant de bêtes dans les cieux!

La Gargouille les éclipse :

C’est un redoutable animal

En qui se vautre le Mal.

II

Ce fut du temps de nos pères,

A qui longtemps il en cuit,

Que la Gargouille sortit

Tout-à-coup de dessous terres,

Jetant l’effroi tous les jours

En Minheld et ses faubourgs.

III

Joyeuse, elle eut pour tanière,

Non loin du mont des Nains,

Un lieu qu’elle rendit malsain,

Dominant la ville entière ;

Et c’est là qu’elle attirait

Les gens qu’elle approfitait.

IV

De cette bête horrifique

Un vieil auteur, trait pour trait,

Nous trace ainsi le portrait,

Tant au moral qu’au physique ;

Pour qu’on ne puisse douter,

Je vais le lui emprunter.

V

On voit mille et mille têtes

Qui sortent de ce grand corps,

Et qui par un seul ressort

Ou bien s’agitent ou s’arrêtent :

Si ce n’était si effrayant,

Ce serait presque divertissant

VI

Monstre horrible, immense, informe,

Il est tout parsemé d’yeux

Louches, tournés vers les cieux,

Et dans chaque gueule énorme

On voit triple rang de dents,

Avec du sang en-dedans.

VII

Ses langues sont de vipère,

De crocodile ses pleurs,

De tigre sont ses fureurs,

Ses caresses de panthère ;

Pour griffes de léopards,

Il a de petits poignards.

VIII

Grand chapeau plat à trois cornes,

Rabat blanc et noir jupon :

On voit dans un médaillon,

Sur sa poitrine difforme,

Un grimoire en abrégé

Où l’on lit « Les dieux soient loués»

IX

Son caractère est perfide,

A la fois lâche et cruel,

On ne voit rien sous le ciel

Qui se montre aussi avide,

Mangeant hors de ses repas,

Prenant et ne rendant pas.

X

De chair fraîche elle est friande,

Et surtout de sang royal,

C’est pour elle un vrai régal,

Tant sa barbarie est grande ;

Dans le crime elle jouit,

Et lorsqu’elle tue elle en rit.

XI

Même, disent les chroniques,

Ce monstre, enfant du malin,

Griffonnait sur du vélin,

En caractères gothiques,

Des livres dignes du feu,

Pour attraper tous les dieux

XII

On y voyait comment faire

Pour pouvoir, en tout honneur,

Être menteur et voleur,

Parricide et adultère,

Porc, débauché,

Et qui plus est sans péché

XIII

Dans sa fureur inhumaine,

Pour recréer ses regards,

Partout de membres épars

Couvrant la ville et la plaine,

Homme, femme, enfant, barbon,

Pour elle tout semblait bon.

XIV

On voyait croître sa rage

A l’aspect brillant de l’or ;

Il semblait que d’un trésor

Elle convoitât l’usage,

Pour, au gré de ses désirs,

Payer ses menus plaisirs.

monster_hunter_challenge___harpy_by_spinebender-d4r31yx

XV

On eût dit qu’à la tendresse

Le monstre avait du penchant,

Parfois d’un geste touchant

Leur prodiguant la caresse,

Il savait obnubiler de séduction

Les jolis petits garçons.

XVI

Croirait-on qu’un cœur farouche

Pour le sexe eût de l’amour ?

Faisant patte de velours

Et même petite bouche,

Le monstre avec la beauté

Lâchait l’impudicité.

XVII

Ainsi cumulant les vices,

Les honneurs et les forfaits,

A tous trouvant des attraits

Et même des bénéfices ;

Traître, galant, tour à tour,

Il semblait fait pour la cour.

XVIII

Que de chasseurs intrépides

S’écriaient dans leur courroux :

«Sous mes redoutables coups

»Tombera ce monstre avide !»

Tous à l’envi l’ont chassé,

Pas un ne l’a terrassé.

XIX

En défaut mettant sans cesse

Des limiers jusqu’aux bassets,

Des briquets aux chiens barbets,

A force de tours d’adresse ;

Elle n’avait, il paraît,

De peur que des chiens d’arrêt.

XX

Un chasseur de Grise-Pierre,

Un rôdeur de Tamaneh,

De Duaure un paraclet,

D’Iodar un kieran quitta le désert,

Un grand thaumaturge azurien,

La chassèrent tous en vain.

XXI

De tant de coups redoutables

Il a su tromper l’effort :

Quelquefois faisant le mort,

Par une ruse coupable,

Et quelquefois d’un agneau

Prenant au besoin la peau.

XXII

Même on vit ce monstre infâme

Sur la terre au long couché,

En mille morceaux hachés,

Comme s’il eût rendu l’âme :

On n’eut pas le dos tourné

Qu’il était raccommodé.

XXIII

Enfin, ô bonheur extrême !

Par la céleste vertu

Le monstre fut abattu ;

Il fit son paquet quand même,

Et périt pour ses méfaits

Dans la grand’cour du Palais.

XXIV

Or un bruit s’est fait entendre,

C’est qu’on l’a cru mort : mais nix !

Ni plus ni moins qu’un phénix,

On dit qu’il sort de sa cendre,

Ou, de même qu’un bouchon,

Qu’il n’a fait que le plongeon.

XXV

Mais on veut nous faire accroire

Que le monstre est bon enfant

Un vrai mouton maintenant,

Et de petites avaloires :

On nous trompe assurément,

Je vous le dis franchetement.

XXVI

La bête encore cherche à mordre.

Mais quoi, les plus grands chasseurs

Sont, dit-on, ses serviteurs :

Leur Bel art est à ses ordres,

A tel point qu’il voudrait bien

Pouvoir dérouter les chiens.

XXVII

Des traîtres et des gens ivres

Lui graissent la patte en vain,

Lui donnant un pot de vin

Pour en avoir de bons livres

A l’usage du Dauphin…

Mais ils se pendront au chagrin.

XVIII

Pour le sûr, c’est la vengeance

Du ciel armé contre nous ;

La bête vient en courroux,

Pour nous mettre en pénitence :

C’est sans doute un grand malheur

Que Razel fut auteur. (x3)

XXIX

En attendant ce miracle,

O peuples de Merved, bonnes gens !

Femmes et petits enfants,

Fermez bien votre habitacle :

Du monstre craignez les coups,

Et restez chacun chez vous.

XXX

Il fera force gambades,

Sauts de carpe et du tonneau,

Sauts d’anguille et du cerceau,

Le tout avec pétarades :

Il faut vous en défier,

C’est pour vous allicier.

XXXI

Oui, si par ses tours infâmes

Il vient à vous attirer,

Vous le verrez dévorer

Et vos enfants et vos femmes :

Laissez ce monstre d’enfer

Exhaler sa rage en l’air.

XXXII

O vous par qui tout s’embrouille !

De qui tant de maux sont nés,

Diables, démons incarnés,

O pères de la GARGOUILLE !

Rappelez le monstre à vous,

De ses griffes sauvez-nous.

~*~

Fualdès de Valdorivalice

Lire la suite

Les premiers pétales de la Rose de Sang

I

Mon nom est Loubos Theldrea et voici mon histoire. Je suis de Minheld, de ceux qui n’ont pas eu l’auguste chance d’être né au-delà de la colline, c’est-à-dire d’être du rang des familles nanties et hautaines de notre patrie. Ma mère, Belagnès, travailla toute son humble vie comme blanchisseuse dans les buanderies du palais Emilix, demeure de notre reine Ausgarde Fanidolfalon et castel encastré dans les entrailles du mont Elab, hôte des mines naines d’Olorïn.

Mon paternel, Danaclay Theldrea, était un homme natif de Ruzad, empire rival de Minheld. Il travailla longtemps à titre d’écuyer rose-de-sangpour les Werwyms, soignant les nobles montures des pantins de la reine, leur donnant une nourriture plus propre que celle que ma mère et lui parvenait à mettre sur notre table. Dans ses vieux jours, il eut la promotion d’enseigner le tir à l’arc aux jeune de l’académie des Werwyms, ayant prouvé son talent en emportant le tournois de la Cible Volante quatre années consécutives. Pour ma part, je grandis dans les ruelles de la Basse-ville, ayant comme ami et seul allié Frei Oloen, lui aussi enfant des Pavés de Poussières. Je grandis avec une rancœur omniprésente en mes veines, car d’aussi loin que je me souvienne, les familles de nos quartiers furent toujours victimes d’injustices flagrantes de la part de notre reine, elle, l’avide et précieuse au cœur autolâtre. Il arrivait que mon père me raconte des légendes de Ruzad, toujours empreinte d’intrigues et où les héros, des roublards disciples de Mask, l’emportait toujours en se riant des nobles et de leur bonheur empreint d’artifices. J’ai nourri le rêve depuis ma tendre enfance d’être moi aussi, un jour, un de ces héros à l’esprit fin, un de ces filou qui rendrait aux ploutocrates la monnaie de leur pièce. Frei et moi s’improvisions des costumes, des armes et des plans pour des pilles amateurs, créant inconsciemment le chemin de nos jours prochains, alimentant le feu de nos désirs larcins.

II

Le temps passa et me pris mon père, alors que j’avais 18 ans. M’étant depuis peu rapproché de lui tandis qu’il m’enseignait la mire et l’archerie, il nous quitta en succombant à ses maux, atteint des affections que seuls la peuplade des Pavés de Poussières attrapaient, autre déloyauté de notre statut. L’heure n’était plus aux vulgaires vols de breloques des riches étourdis par Frei et moi, le salaire de mon père en moins, je devais rapporter plus, sinon ma vieille mère se tuerait à multiplier le temps supplémentaire au palais. Je quittai pour Ruzad pendant deux années, faisant parvenir l’argent amassé à ma mère par l’intermède de mon oncle, celui-ci voyageant souvent jusqu’en Minheld. J’avais trouvé asile dans un cabaret nommé ‘’ Le treizième coup’’, là ou je servais les chopes au public venant assister aux prestations théâtrales se déroulant sur la scène du bistrot. On y jouait du burlesque, de la comedia dell’arte et des farces toutes excellentes les unes que les autres. J’étais stupéfait par le monde des arts dramatiques, et particulièrement par la grâce avec laquelle jouait un certain barde du nom de Dhyluiel Gamacha. Alors que je m’affairais, en fin de soirée, à ramasser les chopes vides des spectateurs conquis, Dhyluiel s’adressa à moi et m’invita à passer les auditions pour la prochaine comédie que sa troupe montait. Ce que je fis avec grand honneur et comme la vie arrime biens les rencontres, j’obtins la réplique de Dhyluiel et devint vite son complice. Il m’appris que la majorité des spectateurs étaient en fait de ses amis, des roublards tout comme lui qui étaient devenus avec le temps, maître de l’art de Mask. Il m’apprit à penser en stratège, à jouer la comédie et le drame dignement, à entraîner mon corps au saut, à l’acrobatie et à la subtilité afin de peaufiner mes talents de voyou. Deux années de discipline, de vols hauts-en-couleurs, de théâtre audacieux et d’amitié sincère.

Puis, Dhyluiel m’annonça que la troupe se lançait en tournée avec la nouvelle comédie qu’il venait d’écrire, m’invitant à les suivre dans leur périple à travers les bourgs. Toutefois, ma mère et Frei hantait mes pensées, je déclinai à contrecœur l’offre et lui fit mes adieux, quittant Ruzad pour retrouver ma terre natale, les Pavés de Poussières où j’avais grandi. Je renouai rapidement avec Frei, lui racontant de long en large mes enseignements, mes vols, mes pièces et mes réussites. Lui aussi s’était entraîné durant mon absence, il avait acquis un talent certain au vol à la tire et s’était confectionner des outils pour crocheter n’importe quelle serrure. Une année passa, ou nous formions un duo de voleurs impeccables, développant adresse et complicité de nuit en nuit.

III

L’équinoxe de printemps à nos portes, Frei et moi avions décidé de faire le grand coup. Puisque la récente annonce de la reine de célébrer la saison nouvelle par un banquet grandiose, invitant tous les couronnes des environs à venir assister à un bal luxueux nous avait rallumé les feux de rancœurs de notre enfance, banquet qui se voulait l’apogée à l’injustice qui régnait en Minheld depuis un nombre incalculable de lunes, puisque tout cet or investi en une soirée mondaine ne serait pas réparti tel qu’à l’habitude aux pauvres de la Basse-Ville. Le plan était le suivant : ma mère nous fournirait des costumes de valets qu’elle prendrait de la buanderie, Frei et moi serions présents au banquet en tant qu’infiltrés afin de dérober à toutes ces crapules corrompues la prunelle de leurs bourses.act_of_war_by_pe_travers-d3bp3pi

Alors que les carrioles et pompeuses voitures sillonnait les routes du haut de la colline, Frei et moi étions déjà bien confortablement installé dans les cuisines du palais à saboter la gastronomie des invités. Le bal pris son envoie par le discours terne et sans éclat d’Ausgarde l’Avarde, puis, plongés de symphonies de violon et des lueurs de chandeliers flavescents, les seigneurs et barons présents n’eurent nullement conscience de tout l’or qui fût vider de leur effets durant le premier service. Au dessert, tandis que Frei crochetait les portes de la cave, l’antre des cadeaux amenés par les invités, je parvins à me glisser dans les quartiers de la reine, sous le regard des abrutis de Werwyms. Puis, tout juste à la suite de l’annonce de la première danse, moi, Loubos Theldrea, farceur aux mains agiles, la voix même des Pavés de Poussières, couru de la balustrade et dans un coup de théâtre, sauta agilement pour atteindre le lustre surplombant la salle de bal, attirant tous les regards et coupant l’inspiration aux musiciens. Haut et fort, mon monologue fût le suivant :

« Gentes dames et gentilshommes, mes seigneurs et fins économes! Je suis Loubos Theldrea, vous ne me reconnaissez guère car vous ne me connaissez pas! Je suis de ceux qui n’ont pas eu l’auguste chance d’être né au-delà de la colline, d’êtres des invités à l’Emilix en ce bal du favoritisme! Alors que vos panses bien gavées, digère les copieux repas dans lesquels j’ai si grossièrement craché, sachez que nous avons pris la peine de vous séduire et de vous dévaliser. Nous remercions grandement Ausgarde la reine de l’Avarice, elle qui si bêtement dans cette mascarade s’est fait la première actrice, de ce grandiose cambriolage de vous, souverains environnants! Sachez qu’en ce printemps nouveau qui s’offre à nous, jamais plus ceux des Poussières ne traîneront dans votre boue, que par la justice de nos cœurs et de nos proses, paillerons les riches de la lame de la Rose! Oui! La Rose de Sang! Nous, vandales et terroristes de vos lendemains, jurons que dès la fin de ce bal funeste, les riches mangerons dans nos mains!’’

Puis je fis balancer le lustre violemment, plongeai d’une vrille et fracassai un vitrail, m’échappant ainsi en un sortie triomphante, laissant s’écraser derrière-moi le lustre aux scintillements de notre vengeance. Frei me rejoignit dehors, tout sourire. La Rose de Sang était née, la vengeance des pauvres était lancée. Mon nom est Loubos Theldrea et ceci est mon histoire.

Lire la suite

Gavaliehnod – l’île aux blasphèmes

Chateau_blasphemeI

Mon histoire remonte il y a de cela très très longtemps, avant même que Le Grand ne soit couronné roi des Elfes. Situé dans l’archipel des Îles de Corail, ce récit aux touches d’horreur est, j’en fais le serment sur mon humble cœur, aussi véridique qu’est dure la tête du dieu Tarù! Voilà qu’en cet archipel se trouve une île, d’apparence ordinaire et aux attributs communs, du nom de Gavaliehnod, endroit paisible parsemé d’humains, d’elfes et de quelques nains. Dirigée par plusieurs générations de la famille humaine de sang royal, les Barielovens, cette île aux races disparates était synonyme d’un havre paisible ou aiment s’entraider et partager les peuplades. L’éloquent récit que je m’apprête à vous raconter se déroule lors du règne d’Urthef l’Immortel, souverain Barielovens aux vertus aussi pures qu’un diamant des eaux du Fleuve du Lierre. Ce récit est arrivé à mon ancêtre nain, Felorïn Salevz, celui-ci était servant auprès de la famille royale, c’est de lui que nous a été léguer ce conte aux arômes historiques.

Voilà qu’en ces temps, l’air sur l’île était à la fête, la reine Laldaëlle étant sur le point de donner un autre prince à son noble époux, Gavaliehnod partageait donc l’euphorie et la beauté du fruit de leur amour. C’est par un soir de nouvelle lune que Laldaëlle mit bas le quatrième fils d’Urthef, celui-ci alors nommé Hazaldal. L’enfantement terrible aurait duré des heures, tenant en haleine toute la cour du royaume et martelant le cœur de mon ancêtre d’angoisse et de fébrilité. L’enfant vint finalement, beau et divin, tel un rayon de cette nouvelle lune offert aux Barielovens, promettant un prince au cœur aussi vertueux que celui de son père. Toutefois, la beauté de la scène fût vite déchirée sauvagement, le calme fut brisé par l’intrusion d’un humain portant un long manteau noir et un grand chapeau de même couleur. Cet homme avait, semble-t-il, les mains recouvertes de sang et était porteur d’un regard machiavélique, comparable à celui que poserait la mort elle-même. Le semeur de trouble aurait alors foncé sur le nouveau-né et parvint, suite aux violences émises envers les aidants de la reine, à s’en emparer cruellement. Les cris affolés de Laldaëlle se mêlant aux cris d’Urthef, celui-ci en agonie, atteint d’un coup de poignard vicieux à l’abdomen par l’intrus, alertèrent la brigade du palais. Cependant, l’homme de la nuit avait déjà pris fuite dans les ténèbres, laissant le cadavre de l’Immortel devant les yeux d’une Laldaëlle sous le choc. Valets de chambres, gardes et servant, retrouvant parmi ceux-ci Felorïn, se mirent tous en chasse afin d’abattre celui leur ayant pris non seulement leur roi, mais également leur prince nouvellement né.

II

Tous les pères de familles de l’île partirent en battue cette nuit-là, armes et torches en main. Les yeux scrutateurs des elfes eurent heureusement vite le dessus sur le fugitif, le retraçant en à peine quelques instants. Se rallièrent alors les pourchasseurs, l’encerclèrent et lui barrant toute exile. Le meurtrier et voleur d’enfant s’était isolé sur une plage de l’île, au cœur d’étranges récifs aux formes d’épouvante dans cette nuit maudite, ce dernier étant dénudé du haut du corps laissait voir sur lui des runes au caractère inquiétant. L’homme chantait un requiem funeste d’un dialecte inconnu de la conscience des elfes, d’un ton de voix à faire hérisser d’effroi la fourrure d’un loup nordique. Les braves elfes le mirent tous en joue, leur regard fixé sur le point vital de la poitrine de l’obscur cultiste. Celui-ci portait l’enfant du bout des bras, le secouant frénétiquement. Il mit fin à son chant sur quelques dernières sombres notes, puis, une fois l’enfant déposé sur une rocaille improvisant une table, se trancha les veines du poignet gauche d’un geste vif et précis. Son sang gicla, aspergeant le sable froid et l’enfant pris de terreur. Il aurait selon l’histoire, répandu son nectar de vie dans la bouche de l’enfant, le souillant de l’empreinte de son péché. Il n’en fut pas davantage pour qu’une volée de flèches pleuve sur l’hérétique. L’une d’elle semble-t-il, se serait fichée au fond de la gueule de l’homme, le laissant échapper un dernier blasphème avant de le noyer de son propre sang, puis l’effondra de tout son long sur la table et sur l’enfant. On sorti sur le champ le jeune prince, qui, grâce au ciel, ne semblait point blessé. On le lava soigneusement de l’eau des mers et le fît bénir par l’oracle de la seigneurie. Les braves de cette nuit s’en retournèrent tous traumatisés dans leur foyer, réveillant tous les citoyens pour leur faire la funeste annonce du décès de leur roi. Hazaldal, de retour au creux des tendres bras de sa mère, laissa la terreur pour le calme et s’endormit tel un chérubin dans la chaleur maternelle. Alors, les années passèrent et la sérénité revint en Gavaliehnod, maintenant sous la gouverne de Laldaëlle, en attente de la maturité du premier fils Barielovens.

III

Hazaldal grandi en âge et en sagesse, toutefois, on raconte qu’il arrivait qu’on puisse lire, dans l’azuré de son regard juvénile, un sombre voile rappelant celui de l’homme ayant mis fin aux jours de son père. Les rumeurs sur son état d’esprit allaient bon train sur la place publique, cependant, Ilfariol, son plus vieux frère, était bien près d’acquérir maturité, et sa droiture de cœur meublait la plupart des conversations, don d’espoir au peuple de renouer avec les coutumes de leur Urthef disparu.

Vers la treizième année de vie d’Hazaldal, mon ancêtre raconta que ce dernier se mit à se réveiller à toutes les nuits en poussant d’effroyables cris d’épouvantes. Terrorisé de ses cauchemars, il aurait bien vite cessé de parler, préférant se reclure dans sa chambre face aux incompréhensions et rires de ses frères. Ne laissant que sa mère entrer à l’occasion, il se refusait à toute relation humaine et délaissait les copieux repas que lui apportaient les valets de sa famille. Les murmures s’intensifièrent sur la place publique, certains citoyens faisaient même allusion à la nuit maudite que fut celle de sa naissance, insinuant un sombre lien entre ces évènements et le caractère sauvage d’Hazaldal. Vint alors l’anniversaire d’Hazaldal, jour empreint d’une ténébreuse nostalgie et au caractère peu enjôleur pour l’enfant en raison des circonstances de sa naissance. Contrairement à ses habitudes, Hazaldal rôda dans le palais le jour entier, longeant les murs aux illustres vitraux tout en marmonnant quelques plaintes muettes et inquiétantes. Son regard vide et lunatique alourdissait le cœur de sa mère de douleur, impuissante face à son fils aux marginales habitudes. Il ne fit pas présence au banquet en son honneur, s’étant alors enfermé dans sa chambre et ne répondant point aux demandes de la reine. Cette nuit-là, Laldaëlle se réveilla en sursaut, comme si elle présentait un imminent malheur. Elle s’empressa de faire ouvrir la porte barricadée de son dernier-né pour découvrir dans l’affolement qu’il avait disparu.

IV

On alerta aussitôt soldats et gentilshommes pour qu’une fois encore, en cette journée sombre, soit organisée une battue en Gavaliehnod.

Laldaëlle et ses Barielovens restèrent au palais accompagné de mon nain d’ancêtre, tous désireux d’avoir des échos de leur membre manquant. Coulèrent les heures anxiogènes dans cette nuit qui se faisait la plus longue, celle-ci maintenant l’hôte d’une tempête violente inondant les chercheurs d’Hazaldal de pluies diluviennes. C’est alors que le cri d’Ilfariol, l’aîné de la famille et futur roi, déchira le silence. Tous se dirigèrent vers la source de ce hurlement. Ils le découvrirent à ce moment figé dans le corridor, les yeux rivés sur l’un de ses frères étendu de tout son long, gorge tranchée et baignant dans son sang.

Felorïn s’empressa d’isoler Ilfariol et son frère cadet Jaïre avec leur mère, dans la chambre du trône en prenant bien soin de la verrouillée durant sa brève absence. Il s’enquit ensuite d’apporter la dépouille du jeune dauphin laissé au corridor dans l’antichambre de ses propres appartements, afin de le respecter prochainement d’une cérémonie digne de son rang. À son retour aux portes de la salle du trône, il eut l’effroyable surprise de ne pouvoir y accéder, cette dernière ayant été barricadée de l’intérieure. Les cris d’agonie de sa reine et de ses deux fils lui broyèrent le cœur, mon ancêtre n’eut d’autre choix que de quitter le palais pour quérir de l’aide. Après de longues minutes dans la cour où il hurlait au secours, il dit avoir aperçu Hazaldal par les vitraux de sa chambre, debout sur une chaise. Ce dernier, le corps marqué de runes, portait une corde au cou, suspendu à une poutre. Il aurait hurlé moult blasphèmes, tout aussi dément que sinistres, puis sauta, se laissant pendre à sa mort. Felorïn quitta le théâtre de ces abominations pour le village, désespéré de trouver de l’aide.

Les derniers mots du récit de mon ancêtre rapportent que lors de la fouille du palais, seule une corde et une chaise auraient été retrouvées dans la chambre du sombre prince, son corps ayant mystérieusement disparu.

Depuis ce funeste jour, l’on raconte que les soirs de nouvelle lune, on entendrait encore résonner dans les corridors du palais de l’île de Gavaliehnod, de démoniaques blasphèmes et le grincement d’une corde sur une poutre…

Felan Salevz
Second fils d’Erthiom Salevz, onzième descendant de Felorïn Salevz, Servant de la famille Barielovens.

Lire la suite